Vendu par ma mère

Vendu par ma mère | AfroRaise

Je suis très jeune et pleine d’avenir mais ma mère veut m’imposer un homme à épouser, histoire de sauver notre famille qui est au bord du gouffre depuis un certain temps. Je ne sais pas quoi faire ni vers qui me tourner ; pire j’aime  profondément quelqu’un d’autre.

Je m’appelle Tatiana. J’ai dix-neuf ans et je suis étudiante à la faculté de médecine à l’université. Ma mère est une commerçante au grand marché de Lomé et mon père, un cadre à WACEM (West African Cement). J’ai  un frère et une sœur qui sont au cours secondaire. Nous sommes une famille modeste. Les affaires de ma mère devenant de plus en plus florissantes et mon père qui avait souvent des promotions, on se prenait pour le centre du monde. On était gâté et  choyé.

Mes copines de la fac et moi avions souvent l’habitude de sortir les vendredis soir pour  se  défouler et  passer du temps ensemble. On se baladait  en ville ou soit on organisait une petite fête dans l’un de nos apparts où chacune invitait son petit ami. Je restais souvent seule vu que je n’en avais pas. J’étais la moins âgée d’entre elles et je n’en connaissais pas assez sur les hommes mais ça me plairait un jour  d’en fréquenter un.  J’enviais souvent les filles  lorsqu’elles se mettaient à faire des éloges sur leurs petits amis.

Annie une amie me fit la remarque un jour.

  • Ma chérie dis-moi, pourquoi n’invites-tu personne à nos soirées ? Ne me dit pas que tu n’as pas de mec !
  • Tu as tout vu. Je n’en ai pas.
  • Mais pourquoi ? Une telle beauté a besoin de quoi s’en occuper. Je parie que tu feras craquer beaucoup de gars.
  • Tu crois ?
  • Bien sûr que oui. J’ai un ami célibataire. Il est beau et charmant. Tu veux le rencontrer ?
  • Euh oui.
  • Parfait. Je l’inviterai à la soirée prochaine. Je vous mettrai en contact et vous vous connaitrez d’avantage.
  • Okay merci ma chérie.

Le vendredi soir comme prévu, Annie invita son ami. Il s’appelle Alex.  Je suis tombée raide dingue de lui seulement en le voyant.  C’est effectivement un beau gosse  au  un teint clair comme l’avait décrit Annie. A voir sa corpulence, l’on saurait sur le champ qu’il était sportif. Il avait un sourire fascinant qui me faisait perdre la boule. Je le dévisageais sans cesse.  Il le remarqua et s’approcha de moi et me salua amicalement.

On commença à papoter puis ensuite nous avions échangé nos contacts. C’était super ; j’avais trouvé un mec.

En deux mois,  j’étais complètement tombée amoureuse de lui. Nous passions presque la plupart du temps ensemble. On avait l’habitude de partager les tâches. Lorsque je débarquais chez lui, il chauffait déjà de l’eau pour le thé. Quand je faisais les omelettes, il allait chercher du pain. Après le petit déjeuner, nous jouions  aux cartes, soit aux dames ou soit on matait des séries et des films à la télé. Et lorsqu’on était fatigué de tout, nous passions  aux choses sérieuses… Mais désolé je garde cette partie pour moi-même (rires). Après une bonne partie de sommeil, fit place au repas de midi… Le soir à mon départ, c’était comme si je partais pour ne plus revenir. A peine arrivée chez moi j’avais envie de le revoir.

Je parlai de lui à ma mère. Elle me demanda s’il avait de bonnes intentions  et insista à ce que je la lui présente. Ce que j’acceptai de faire plus tard.

Quelques temps après

Il eut des problèmes dans la société de mon père et il fut renvoyé sans même être indemnisé. Il commença à puiser dans ses économies jusqu’à ce qu’il n’en reste rien. On allait tout droit au bord du gouffre car le commerce de ma mère ne pouvait pas couvrir toutes nos dépenses.

Les problèmes commencèrent à naître. Ma mère insultait sans cesse mon père parce qu’il était tout le temps à la maison sans rien faire. Même lorsqu’on était malade, les traitements à l’hôpital devenaient aussi des problèmes. Mais la vie est injuste. Ce n’était pas de sa faute tout ce qui nous arrive. De par le passé, il avait hébergé et même aidé la plupart de ses frères et sœurs mais tous lui ont tourné le dos. Personne ne voulait plus nous voir. Ma mère, à bout de souffle, était dépassée par la situation. A chaque fois elle ne faisait qu’encaisser des dettes. Ainsi de suite. Plus tard, elle ferma son magasin au marché.

Je n’avais plus le temps pour  Alex ; ni la présenter à maman. Elle également ne demandait plus de ses nouvelles.

Des amis de ma mère venaient souvent à la maison. Un soir après le départ de l’un d’entre eux, elle me dit :

  • Tu sais ma fille, toi-même tu connais notre situation. Ton père ne peut plus rien pour nous et j’ai peur pour votre avenir. Tu es maintenant une femme. Deux de mes amis veulent t’épouser. J’aimerais que tu réfléchisses et que tu fasses un choix parmi eux comme ça je n’aurai plus à m’inquiéter à ton sujet.  Je leur ai donné ton numéro.
  • Maman ! c’est quelle histoire ça ? Donc tu veux me dire que c’est à cause de moi que ces hommes défilent ici ? j’ai à peine vingt ans et tu veux que je me marie ? Et mes études ?
  • Ecoute chérie, ce n’est pas comme si tu gâchais ta vie. Ils vont prendre soin de toi, de nous en plus. Ils pourraient  également financer tes études ou avec leurs relations, te trouver un bon travail.
  • Non maman, je ne crois pas que ça soit possible.  Je ne peux pas épouser quelqu’un que je n’aime pas, en plus toi-même tu sais déjà que j’ai quelqu’un dans ma vie. Ça va aller. Soyons optimiste.
  • Quelqu’un dans ta vie tu dis ? Cet étudiant qui vit au crochet de ses parents et qui ne peut même pas t’’acheter tes dessous ? quel optimisme ? depuis plus de six mois, qui fait les dépenses ici ? tu sais comment j’arrive à joindre les deux bouts ? je ne veux plus t’entendre parler de lui. En tout cas, pas dans cette maison.
  • Maman je ne te comprends pas. Et ma dignité ? tu m’as appris à me méfier des hommes. A me concentrer sur mes études et me marier ensuite. Pourquoi me demandes-tu  maintenant de faire le contraire ? Il n’est pas question que je le fasse.

Depuis cette discussion, je ne trouvai  plus la tranquillité. Mon père ne pouvait rien y faire.

De l’autre côté, j’avais du mal à me confier à Alex. Nous avons perdu cette complicité. Il tenta  par mille moyens de comprendre ce qui se passait mais ce n’était pas un sujet dont on pouvait parler avec  celui qu’on aime. Je ne savais plus quoi faire. J’en parlai à Annie qui me conseilla de le lui dire directement. Ce que je fis. Mais, il me laissa comprendre qu’il ne pouvait rien et que la décision finale me revenait. Il n’avait pas encore les moyens de se marier avec moi mais me demanda de croire en lui car la fin n’est plus loin et bientôt tout sera terminé. Mais ce qui me fit pleurer c’est lorsqu’il me dit qu’au jour où je le tromperai, ce serait la fin de notre relation car il ne pouvait pas supporter cela.

A la maison, maman me regardait méchamment. Ce qui l’énerva le plus c’est lorsque l’un des prétendants m’avait rendu visite et que je l’avais renvoyé. Furieuse, elle me coupa les vivres. J’habite chez mes parents mais en me regardant on croirait à un SDF (Sans Domicile Fixe). Alex m’aidait comme il le pouvait.

Un soir, où je tombai malade, ma mère me fit clairement savoir qu’elle n’avait pas les moyens pour payer mes soins médicaux. Je faisais presque quarante degrés Celsius. J’appelai Alex. Il était fauché pourtant il avait pu me trouver quarante mille francs.

Peu de temps après que je sois rétablie, ne pouvant plus supporter toutes ces douleurs et aussi continuer à causer des soucis et de faire souffrir Alex, je décidai de rompre avec lui et d’accepter la proposition de ma mère. Il le digéra mal mais c’était ce qu’il y avait  de mieux pour nous deux.

Six mois plus tard, je me mariai avec John, le prétendant de ma mère que j’avais finalement choisi. Il paya de nouveau mes frais de scolarité et celui de mes frères. Il donnait constamment de l’argent à ma mère, ce qui faisait tourner la maison. Quant à mon père,  il était passif dans cette histoire. La vie d’avant recommençait petit à petit  et il n’y avait plus tellement de soucis à la maison. Mais cela fut de courte durée.

 Je tombai plus tard enceinte John se désintéressait de moi. Il ramenait sans cesse d’autres femmes sous mon nez. Il me battait soigneusement lorsque je voulais l’ouvrir. Il m’insultait moi et ma famille sans aucune raison.

Un soir, il me demanda de remballer mes affaires et de rejoindre ma famille parce qu’il en avait marre de nous.  Marre de dépenser à chaque fois du fric sans aucune contrepartie. Je refusai d’obtempérer. Pour cela, il me battit jusqu’à ce que je perde connaissance. Plus tard, je me retrouvai à l’hôpital ayant perdu le bébé. La police le chercha en vain.

Quelques temps après être descendue de l’hôpital, je repartis vivre chez mes parents. Je ne suivais plus les cours, les dernières tranches d’écolage de mes frères n’étaient pas payées. Pour cela, ils n’ont pas pu composer. Ma mère n’arrivait plus à me regarder en face. Mon père pleurait à chaque fois qu’il me regardait. J’avais tellement honte que je ne pourrais même pas oser me pointer devant Alex et lui présenter des excuses, ne serait-ce que pour soulager ma conscience car je sais tout au fond de moi que je lui avais fait beaucoup de mal.  Je savais qu’il n’était pas encore marié mais je ne pense pas qu’il puisse me reprendre.

Deux ans plus tard, j’ouïe dire qu’il fut nommé chargé de communication d’une entreprise de téléphonie mobile. Il se mariera ensuite. Cela aurait pu être moi mais ma mère a brisé mes rêves. Je suis à la maison et je ne fais rien ; je ne peux même plus continuer les études puisque la situation financière devenait de plus en plus complexe. Je suis devenue un nouveau fardeau.  

Pensez-vous que le choix de ma mère de me vendre peut-il être justifié par la situation de ma famille ? Est-il vraiment nécessaire que l’on en arrive à vendre sa progéniture ? N’y avait-il pas d’autres moyens pour s’en sortir

Ecrit  par Olivier HONSOU

Les chroniques de Verdo Lompiol

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