SURVIVANT ? (Ep 4)

SURVIVANT ? (Ep 4) | AfroRaise

 

Plus d'une fois, madame GALLE avait sermonné son fils et plus d'une fois il était revenu avec les mêmes erreurs.

 

Mme GALLE : Réponds-moi ! Gronda la dame furieuse.

 

Richard : Non, fit-il d'une voix presque inaudible.

 

Mme GALLE : N'est-ce pas toi qui avais dit que tu voulais devenir riche ? Si tu te fais expulser de ton école avant la fin d'année, comment vas-tu décrocher ton bac ? Toutes les écoles alentours ont refusé ton dossier. Intelligent mais trop impulsif, tu étais là non ? Regarde la distance que tu parcoures chaque matin avant d'aller à l'école, ça ne te donne pas envie de vite finir et déposer le kaki ? Regarde les conditions dans lesquelles nous vivons, dit-elle à son fils en pointant la bougie qui éclairait faiblement le minuscule salon. Si tu n'as pas pitié de tes frères, aie au moins pitié de moi, conclut la grosse dame.

 

Richard : Je ne pense pas que le terme vivre pourrait nous être associé. Vivre au jour le jour ne veut pas dire vivre au sens littéral. Nous ne vivons pas, nous survivons.

 

Mme GALLE : Continue à jouer au plus intelligent. Celui qui a bonne oreille…? En attendant que son fils complète

 

Richard : Écoute.

 

Mme GALLE : Bien. Lundi on ira ensemble à ton école, je demanderai qu'on te punisse doublement. Te laisser à la maison n'est pas une punition pour quelqu'un comme toi.

 

Richard : Mais maman, en la regardant mécontent

 

Mme GALLE : Donc tu n'iras plus passer le concours du samedi, c'est ça ?

 

Richard : Je crois.

 

Mme GALLE : Voilà où t'a conduit ta colère. Tu vas manquer cette grosse récompense. Dieu fera notre palabre, dit-elle en se levant. Tu as trouvé quelques chose à manger ? Je n'ai rien vendu aujourd'hui, malheureusement, dit-elle tristement.

 

Richard : Oui, une amie m'a donné des croissants, dit-il en sortant le deuxième croissant de sa poche.

 

Mme GALLE : S'il te plaît mange ça pour cette nuit, en attendant que le jour se lève. J'ai mis un peu de farine et de sucre de côté, je vais les tremper dans l'eau pour tes frères. Rolland et moi on va se débrouiller.

 

Richard : Tu peux prendre maman, j'en ai mangé plusieurs, ça peut aller. En lui donnant le croissant.

 

Richard éprouva une profonde peine pour sa mère. Elle s'en alla épuisée, après avoir trimé toute la journée. Elle ajusta son pagne et s'apprêtait à pénétrer dans sa chambre quand Richard se souvint.

 

Richard : Maman, s'il te plaît, dit-il en se levant.

 

Mme GALLE : Oui ?

 

Elle se retourna et vit Richard prendre le cube en bois sur le buffet. Il le secoua assez pour qu'elle entende les pièces métalliques à l'intérieur.

 

Richard : Tu sais ce qu'il y a à l'intérieur ?

 

Mme GALLE : Non. Je n'ai jamais su qu'il y avait quelque chose à l'intérieur, dit-elle en se rapprochant.

 

Richard : Apparemment, papa me l'a laissé.

 

Mme GALLE : Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

 

Il retourne le cube et présente le fond où est inscrit : À RICHARD GALLE, en xylographie.

 

 Mme GALLE : Je ne l'avais jamais su jusqu'à maintenant, en prenant le cube des mains de son fils.

 

Elle passa ses doigts sur l'inscription et remarqua la précision avec laquelle elle avait été faite.

 

Mme GALLE : Il était très doué pour créer des objets décoratifs. Il sculptait quelques fois avec des bouts de bois non utilisés, dit-elle les larmes aux yeux.

 

Elle tourne le cube dans tous les sens. Elle sentit sur un des côtés du cube, une irrégularité. Elle exerce une légère pression dessus et sent qu'un petit carré s'enfonce dans le cube. Elle compris que c'était l'ouverture. Comme si de rien n'était, elle continua de tourner le cube dans tous les sens. Richard n'avait rien remarqué.

 

Mme GALLE : Essaie de l'ouvrir toi, je n'y arrive pas. Tu es sûrement le mieux placé puisqu'il t'est destiné, en lui redonnant le cube.

 

Elle s'en alla. Richard après vaines tentatives, posa le cube à sa place. Ses frères ressortent de la chambre accompagnés de sa mère qui tenait en main deux sachets plastiques noirs.

Elle versa les contenus dans un grand bol, remua avec une cuillère et versa une énorme quantité d'eau dessus.

 

Mme GALLE : Attendez dix minutes pour que ça gonfle bien avant de boire.

 

Rolland n'avait pas dit un mot depuis leur sortie de la chambre. Richard compris le sens de son silence qui renfermait les mêmes sentiments qu'il avait. Tristesse, peine, amertume, chagrin, affliction.

 

 

Rolland : Prends maman, en lui remettant un billet de mille francs. Aujourd'hui j'ai aidé un vieil homme à remorquer sa marchandise, ajouta l'aîné.

 

Mme GALLE : Ah merci mon fils. Mon Dieu merci oooh. Merci merci merci pour ce cadeau, en levant le billet vers le ciel que cachait la toiture en tôles usées.

 

Les propos de leur mère arrachèrent de léger sourire à Rolland et son petit frère.

 

>Les enfants, prenez le gari pour ce soir ein ?! Demain matin on va payer de la bouillie. Le reste, je vais payer tomate, oignon et piment plus farine de maïs. On va essayer de gérer le reste de la semaine avec. Il y a un peu de charbon là bas. On va faire avec.

 

Une dizaine de minutes plus tard, les quatre enfants se mirent autour du bol de gari noyé et y plongèrent leurs cuillères. Elle avait gonflé au point d'absorber toute l'eau. Après avoir ajouté une bonne autre quantité d'eau, le gari se laissait ingurgiter par les enfants GALLE

Richard se leva, et se dirigea vers la chambre.

 

>Bonne nuit tout le monde, dit-il avant de disparaitre derrière le rideau sans attendre quelconque réponse.

 

Nous ne vivons pas, nous survivons. Nous sommes des survivants. C'est sur cette dernière pensée que Richard sombra dans le sommeil tout en craignant de faire le même rêve que d'habitude, son cauchemar.

 

De fines lames de rayons de soleil s'échappèrent à travers les espaces vides de la fenêtre pour éclairer la chambre. Quittant progressivement son état de sommeil, Richard voulut se retourner mais sentit un poids sur son torse. Les yeux entrouverts, il remarqua que ce n'est personne d'autre que Rachelle qui avait posé sa tête sur sa poitrine.

 

Rachelle : Bonjour grand frère, dit-elle en redressant sa tête, menton sur la poitrine de Richard.

 

Richard : Nnnggghhh - fit-il en s'étirant - Bonjour Rachelle. En ouvrant les yeux. Tu n'es pas allée à l'école ?

 

Rachelle : Maman est déjà partie, elle a dit de m'amener à l'école

 

Richard : Rolland est déjà parti ?

 

Rachelle : Non, il prend la bouillie sur la terrasse

 

Richard : C'est lui qui t'y amène d'habitude non ?

 

Rachelle : C'est toi je veux, dit-elle en posant sa joue contre sa poitrine. Les autres sont déjà partis.

 

Richard : D'accord. Il est quelle heure ?

 

Rachelle : sept heures vingt

 

Richard : Quoi ? Fit-il en sursautant. Laisse-moi passer s'il te plaît. Tu es déjà en retard. Et puis tu froisses ton kaki en te couchant sur moi.

 

 

 

Il se relève et son premier regard tombe sur son corsage kaki posé sur sa petite valise. Il se rappelle l'avoir oublié sur le fil de séchage la veille. Merci maman, dit-il intérieurement. Richard salue son grand frère puis fonce dans la douche commune avec sa brosse à dents avec comme dentifrice un petit morceau de charbon. Il se brosse avec les moyens de bord puis se mit en route avec sa sœur.

Ils arrivèrent à l'école de la petite fille et au moment de se séparer elle réclame un bisou sur le front. Richard avait trop honte et se sentait gêné, il lui proposa donc de lui offrir deux bisous quand elle sera rentré.

Il fit route seul vers la maison en marchant d'un pas non pressé. Dans sa chemise et sa culotte usées dont on voyait déjà les fils se détacher, il arpente les rues du quartier, s'arrête un moment au bord du terrain de jeu pour voir les joueurs se préparer. N'y voyant aucun intérêt, il fit route vers la maison, salua les voisins puis pénétra dans la maison de location.

 

Richard : Tu n'y vas pas aujourd'hui ?

 

Rolland : Hum

 

Richard : Un souci ?

 

Rolland : Je suis fatigué Richard, je sors chaque jour bien habillé en espérant trouver un quelconque boulot et le soir je rentre tout poussiéreux après avoir marché dans toute la ville, au point que les gens commencent à me connaître. Chaque mois depuis plus de trois ans maintenant que je fais des dépôts dans les boîtes mais aucune d'elles ne m'a jamais appelé, ne serait-ce que pour me redonner de l'espoir avec un entretien.

 

Richard : … Silencieux devant son frère qui assit sur l'un des tabourets avait fini sa bouille

 

Rolland : Je suis désespéré. À peine je rentre avec un petit billet par jour. Ma seule paire de cuir vient de me lâcher et je n'ai rien pour la réparer, dit-il en montrant la paire de chaussures défaite à son petit frère. Même mon téléphone déconne, en lui montrant son Motorola à touches

 

Il dépose son gobelet plastique et prend sa tête entre ses mains, en regardant le ciment d'un air pensif. Richard n'avait jamais été bon pour les excuses ou pour réconforter qui que ce soit. Il s'abaisse devant son frère et après un instant d'hésitation ouvre la bouche.

 

Richard : Tu as le droit de te plaindre, la vie n'est pas facile pour nous mais on s'en sortira. Après ta lamentation relève toi et continue d'avancer. Si tu abandonnes maintenant, tu ne sauras jamais si tu aurais pu réussir demain. Essaie encore et encore et encore et encore. Si Dieu est vraiment ce qu'on dit de lui, il te montrera le chemin.

 

Rolland : Tu as raison, dit-il avec un sourire triste. Depuis quand tu donnes de si bons conseils ?

 

Richard : Je suis aussi surpris que toi. Je peux te passer ma paire si tu veux, en attendant que tu répares la tienne. On a la même pointure.

 

Rolland : Ok, d'accord. Merci

 

Ils entrèrent dans le salon puis dans la chambre où Richard lui remit sa paire de chaussures. Bien vêtu dans sa chemise bleue ciel à manches longues enfoncée dans son pantalon noir un peu trop grand, Rolland demanda l'avis de son petit frère qui lui servait de miroir.

 

>Impeccable, on dirait un parlementaire

 

Rolland sourit puis prit congé. De nouveau seul, Richard s'allongea sur le lit, les yeux fixés sur la tôle usée. Il resta ainsi à penser à tout et à rien. Il ne savait pas combien de temps il était resté ainsi, immobile, mais suffisamment pour que son ventre crie la faim. Il se lève et prend son bol de bouillie sur le buffet.

Comme il s'en doutait, sa mère lui avait ajouté un beignet comme à chaque fois qu'il fait une bêtise. Richard n'a jamais réussi à comprendre cela. Pourquoi au lieu de le punir, elle lui ajoute plutôt un beignet alors que les autres ne reçoivent rien ?! Ça demeurait pour lui un mystère. Après avoir savouré la délicieuse bouillie comme si c'était la dernière fois, Richard alla prendre sa douche et retourna s'allonger, il prit le même livre que la veille puis se mit à lire jusqu'à l'arrivée nouvelle du sommeil.

 

Rachelle vint une nouvelle fois le sortir de son sommeil. Il aida sa petite sœur à faire ses exercices puis sortit rejoindre ses camarades qui l'attendaient déjà chez Rolland.

Dès son entrée dans la maison, son regard croisa celui d'Eugénie qui avait l'air moins mécontente qu'hier. Son cœur fit un bon dans sa poitrine.

 

>Elle va encore me sermonner, se dit-il inquiet

 

A SUIVRE…

ECRIT PAR PRIVAS_WINNER

 

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