SURVIVANT (Ep 28)

SURVIVANT (Ep 28) | AfroRaise

 

Une main saisit violemment Richard et le tira vers l'arrière. Il revint à lui et vit le véhicule passer à quelques centimètres, manquant de le renverser. Les hurlements des riverains et des revendeuses lui parvinrent. Il recula et jeta un regard autour de lui. Tous le fixèrent, les uns avaient les mains sur leurs têtes, les autres bouche-bée avaient arrêté leurs activités.

 

 

<<Hey joli garçon, qu'est ce qui va se passer ? Ma fille aura besoin de mari hein >> hurla une revendeuse de pain

 

>Mon fils, que voulais tu faire là ? - Demanda d'une voix crasseuse, le vieil homme qui l'avait tiré en arrière.

 

>Désolé - dit-il en retrouvant ses esprits - J'avais la tête ailleurs, je n'avais pas vu la voiture venir

 

>D'accord. Tu n'as rien j'espère !? - ajouta le vieux - tu as failli te faire renverser.

 

>Non.

 

>Allons - fit-il en se dirigeant vers l'hôpital, une main dans le dos de Richard.

 

>J'ai l'impression de vous connaître - reprit Richard en interrogeant sa mémoire.

 

>Peut-être. Je t'avais trouvé un samedi alors que des voyous te frappaient. Tu sais,mon fils, Dieu, il est juste. La vie est ce qu'elle est. Même après être tombé, il faut se relever et avancer. Tant qu'on a la vie et la santé, il faut continuer de la vivre, c'est un cadeau. Regarde-moi, j'ai presque perdu toutes mes dents et mon corps est tout flasque mais je continue de faire mon commerce - il parla en montant les pas - Même après un décès, la vie ne s'arrête pas.

 

 

Un infirmier qui passait à côté, quelques dossiers en mains, les bouscula malencontreusement renversant ses dossiers sur le sol. Richard s'excusa auprès du vieil homme et se courba pour l'aider à ramasser ses dossiers. Chose faite, il se releva. Le vieil homme disparu. Le vide prit sa place. Il fut étonné, pivotant sur lui même sans résultat. Il retourna sur ses pas jusqu'à la réception mais le vieillard semblait s'être volatilisé. L'instant de quelques minutes, il oublia son malheur.

 

Richard rejoignit sa mère et son frère. En le voyant venir, elle éclata de plus belle en sanglots. Il s'approcha d'elle et lui tint la main, il la serra comme s'il pouvait en extirper sa peine.

 

 

 

>C'est pas juste maman - dit-il tristement les larmes aux yeux - C'est pas juste - il reprit plus bas.

 

 

 

Elle secoua la tête comme pour donner à son fils, raison. Elle se sentit comprise. Elle sentit sa douleur partagée par ses fils. Madame GALLE se demanda comment annoncer cette nouvelle à ses enfants. Comment leur dire que leur sœur est partie pour un voyage sans retour, comment leur annoncer que Rachelle s'est éteinte ?

 

 

<<Je n'en ai pas la force. C'est trop dur mon Dieu, c'est trop dur. Quand vas-tu alléger la force de tes coups de fouets ? Quand allons nous voir la lumière ? >> Se lamenta t'elle en silence, en s'agitant.

 

 

 

>Le docteur a dit que la dernière chose qu'elle a murmuré - reprit madame GALLE en réprimant une vague de larmes - La dernière chose qu'elle a murmuré c'est Richard - dit-elle en se mordant les lèvres pour s'empêcher de pleurer.

 

 

Richard sortit de la salle. Il laissa son dos choir contre le blanc mur et se laissa glisser sur le sol avant de se recroqueviller sur lui-même. La tête sur les genoux, il pleura amèrement. La douleur qui le transperça fut amère. Un voile se déchira, son sourire s'envola, son cœur se mit à brûler et à se cristalliser.

 

 

Quelques heures après d'infinies lamentations d'amertume, de douleur, d'horreur, les formalités furent remplies. Madame GALLE quitta malgré elle, le corps de sa fille. Rolland et son frère empêchèrent leur mère, de justesse, de faire une nouvelle crise. Richard refusa de voir une dernière fois sa sœur avant son départ pour la morgue. Leur mère demeura muette, souffrant en silence. Richard fut de marbre, comme si plus rien ne pouvait l'atteindre. Rolland régla les derniers détails. Il fallait l'enterrer dans les trois prochains jours, ils n'avaient pas les moyens de payer l'argent de plusieurs jours à la morgue.

 

Aucun voisin ne parla à leur arrivée. Ils pouvaient lire sans ambiguïté l'amertume et la souffrance sur le visage de la mère des cinq enfants désormais quatre. Leurs yeux furent rougis, leur gorges sèches, leur espoir balayé.

Ils pénétrèrent le pénombre du minuscule salon et virent Raissa et Rachid endormis sur le sol, fatigués de l'attente. Leur mère s'engouffra dans sa chambre sans prononcer un mot. Richard alla dans la sienne tandis que Rolland se chargea de leur annoncer l'horrible douleur de la manière la plus douce qu'il put.

En parlant, il eut l'impression que sa sœur mourait à nouveau.

Ils pleurèrent amèrement pendant de longues minutes qui se transformèrent en heures.

 

L'ambiance demeura morose pendant les trois jours qui suivirent le drame. Madame GALLE demeura muette, Richard et ses petits frères refusèrent de manger mais ces derniers furent forcés par Rolland. Richard devint méconnaissable, n'ouvrant presque plus la bouche sauf pour dire quelque chose d'important. Il refusa toute visite de ses amis.

 Une petite messe fut faite le jour de l'enterrement et Rachelle GALLE fut ensevelie sous une pile de terre, pile qui la séparait désormais de sa famille et du monde des vivants.

 

Plus rien ne fut pareil. La famille GALLE semblait avoir perdu son âme. Leur mère ne cessa de pleurer jours et nuits, Richard dépérissait à vue d'œil. Toujours pensif, personne ne su à quoi il pensait. Il pensait, c'est tout. Il piqua des crises de colère sans raison, frappa son poing contre le mur jusqu'à saignements, hurla et vociféra contre personne.

Recroquevillé dans un des coins de la chambre —qui fut mise en sens dessus dessous— il vit le cube posé sur une des valises. Éprit  d'une violente colère, il se leva, le prit et le balança de routes ses forces contre le mur. Le cube craqua sur le côté. Des morceaux de bois se détachèrent de l'ensemble et un petit bout papier fut libéré.

 

 

<<Peu importe les difficultés que tu traverseras dans la vie, ils seront tous temporaires. N'arrête pas d'avancer. Je suis persuadé que tu tu as montré le premier papier à ta mère, si oui, tu as réussi mon test, ça prouve à quel point tu lui fais confiance. Si tu le lui as caché, ne te blâme pas, la loyauté est une qualité rare. Mireille est la seule qui pourra être ton parapluie pendant la saison pluvieuse, ta barque pendant les inondations. Elle seule donnera sa vie pour toi, sois reconnaissant. GALLE ton père.>>

 

 

 

Il froissa le papier dans sa paume puis le lança sur le tas de vêtements à laver.

 

 

<<Tu peux bien les garder tes conseils>> il pensa avant de s'étaler à même le sol sur le dos

 

Il se remémora les derniers instants avec sa sœur, sa dépouille si la précision était de mise..

 

 

 

 

Ce fut un mercredi. Le soleil fut déjà haut dans le ciel alors que la dixième heure de la journée n'était pas encore au rendez-vous. Après la petite messe, le corps de Rachelle fut porté au cimetière pour être enseveli. Les derniers survivants de la famille GALLE furent présents, le prêtre, Émile GALLE —le frère du défunt père de Richard, qui coupa les ponts avec la famille de son frère à son décès— Romuald, Eugénie et Arthur qui délaissèrent la première pause pour venir soutenir leur ami du mieux qu'ils pouvaient.

Des dizaines de pierres tombales s'étendaient à perte de vue. Quelques personnes se récueillaient sur des tombes quelques mètres plus loin. Dame la mort régnait en maîtresse dans son sanctuaire. L'atmosphère était lugubre, les visages étaient balayés par la souffrance avec laquelle le noir des vêtements se mariait à perfection. Le prêtre fit une première prière dans laquelle il remercia le Saint Patron pour son infinie bonté. Prière que Richard rejeta au fond de son cœur. Rolland fit un petit discours d'hommage et d'adieu, puis vint le tour de Richard.

 

 

 

> Malgré ce beau soleil, ce jour est triste et sombre pour nous qui sommes réunis ici. Je m'étais mis à écrire un petit texte puis je me suis rendu compte que ce petit texte était devenu deux pages, alors je m'en suis débarrassé - il disait en regardant le trou qui servira de lit pour sa sœur - Nous sommes venus te dire adieu Rachelle, pas un au-revoir, un adieu. Je ne sais pas par où commencer, j'avais tellement de choses à te dire, tellement de choses à t'apprendre. Tous ceux qui connaissaient Rachelle savent qu'elle était toujours joviale et pleine d'énergie. Plus que nous cinq réunis. Elle avait bon cœur et était surtout innocente. Je me souviens qu'un soir, je lui avais demandé si elle connaissait une opération de calcul que j'avais vu dans un de ses cahiers. Vous savez ce qu'elle a répondu ? Elle a dit non, je lui ai donc donné des explications. Vous savez ce que j'ai découvert par la suite ? Quelques heures après, dans la même journée, j'ai vu dans son cahier de devoir qu'elle avait eu neuf sur dix pour un exercice sur ce cours le même jour - il avait sourit malgré les larmes qui commençaient à naître dans ses yeux.

 

 

 

Il fit une pause puis contina

 

 

>Au delà de son intelligence, c'etait la plus maline que je connaissais. Même si elle savait une chose, elle disait le contraire juste pour que vous lui expliqué à nouveau. Elle voulait toujours tout savoir, tout voir, tout faire. Rachelle avait bon cœur, très bon cœur, elle ne rendait pas le mal par le mal. Bien que ses camarades refusaient de lui donner des bonbons, le jour qu'elle en a trouvé, elle l'a partagé. Elle n'avait rien mais elle apportait partout où elle allait sa joie de vivre. Nous n'avions pas fini de vivre les moments qu'on avait à passer ensemble mais tu n'es plus là. Tu as laissé dans nos cœurs un vide que même le temps ne pourra effacer. Dans le mien, un gouffre est né. Je ne m'était jamais imaginé ma vie, notre vie sans toi. À toi seule tu représentais l'âme de notre famille. J'ai très mal quand je pense que tu ne me sauteras plus dessus à mon retour de l'école. Quand je pense je n'entendrai plus tes rires, quand je pense que je ne te verrai plus. Mon être tout entier est plongé dans la tristesse, une désolation que rien ne pourra effacer. Pourquoi Rachelle ? Pourquoi nous as-tu laissé si tôt ? Pourquoi as-tu abandonné de te battre ? - fit-il alors que des larmes couraient sur ses joues creuses.

 

 

 

Rolland tentait de calmer ses petits frères qui depuis la première heure, s'étaient mis à pleurer à chaudes larmes.

 

 

 

>Tu va nous manquer Rachelle - termina Richard - mais tu seras toujours dans nos cœurs.

 

 

 

Il sortit du cimetière accablé et tiraillé par le désarroi, laissant sa mère et ses frères en pleure. Eugénie réussit à le rattraper et le saisit par le coude. Il se dégagea avec violence sans considérer son amie

 

 

 

 

Madame GALLE pénétra la chambre et vit son fils étendu sur le sol, pensif et pleurant.

 

 

>Viens manger Richard, ça fait deux jours que tu n'as rien avalé. Il ne faut pas que tu tombes malade - dit-elle en s'abaissant et en lui touchant l'épaule

 

>Je peux bien tomber malade, j'en peux plus de cette existence. Je veux bien mourir et rejoindre Rachelle - répliqua Richard

 

>Ne dis pas ça. Tu as encore la vie devant toi. Tu as pensé à moi ? J'en mourrai.

 

>Désolé - dit-il toujours amorphe - Je n'ai pas encore faim.

 

 

 

Attristée, elle se leva puis sortit de la chambre. Quelques minutes plus tard, Richard en émergea.

 

 

 

Richard : Je vais marcher un peu - dit-il en sortant.

 

Mme GALLE : Il fait déjà tard Richard. Noël approche et les nuits ne sont plus bonnes.

 

Richard : Je ne vais pas durer. Je dois me changer les idées.

 

Mme GALLE : Tu devrais retourner à l'école demain. Tu risques de manquer les examens.

 

Richard : Ok - fit-il simplement avant de s'éclipser

 

 

 

Ses poches furent remplis des billets que Romuald lui avait prêté une semaine auparavant. L'argent a trop duré chez moi, pensa-t-il en se dirigeant vers le domicile de son ami, alors que le crépuscule fuyait. Il fit un long détour, passa par la grande route, espérant pouvoir fuir la réalité pendant quelques minutes grâce au défilement des véhicules multicolore et multi-marques. Il leva les yeux sur une affiche à moitié arrachée d'un poteau électrique et perçu le mot "richesse".

Richard se rapprocha de l'affiche, la redressa avec une main puis lu.

 

 

>Portefeuille magique qui produit plus de cinquante mille par jour, retour d'affection, trouver du travail, la chance, bague de protection…contactez maître HOUNO pour dire au-revoir à la misère et réglez tous vos problèmes

 

A SUIVRE…

ECRIT PAR PRIVAS_WINNER

 

Share this