AU PRIX DE MON ÂME (Ep 2)

AU PRIX DE MON ÂME (Ep 2) | AfroRaise

   ELVIRE

 

Je me demande ce qui arrive à Cynthia. Après tout ce que je lui ai dit, elle s’est levée sans aucun mot à mon regard, elle est partie sur le champ, j’espère que je n’ai rien dit de mal. Depuis je tente de la joindre mais elle ne décroche pas. Je relance une fois encore l’appel et elle décroche cette fois ci nonchalamment.

 

-Cynthia : allô

 

-Moi : tu es bien rentrée ?

 

-Cynthia : je me repose sur un banc, pas loin de toi. Personne n’est à la maison, je ne veux pas rentrer.

 

-Moi : reviens chez moi s’il te plait

 

-Cynthia : d’accord.

 

Cynthia, ma Cynthia, c’est quoi le problème avec elle ? Elle est revenue juste dix minutes après, ce qui montre réellement qu’elle n’était pas loin.

 

-Moi : je m’excuse si ce que j’avais dit t’a déplu

 

-Cynthia : ne t’inquiète pas. Je réfléchis, c’est tout.

 

-Moi : tu réfléchis sur quoi Cynthia ? Tu peux tout me dire, tu es comme une sœur pour moi. Outre le problème avec tes parents, y a-t-il un autre ?

 

-Cynthia : non non, aucun. J’attends toujours le directeur.

 

-Moi : ne t’inquiète pas, c’est toi la first. Il va t’appeler.

 

-Cynthia : je l’espère.

 

 

 

AU MARCHE…

 

   DA-FELI

 

Avec mon mari à côté de moi, je dirai que c’est une merveilleuse journée. J’ai un magasin rempli de tout, c’est de l’alimentation générale que nous faisons mais nous avons assez de dettes malgré que la boutique soit remplie, je ne saurai comment l’expliquer. On dirait que je ne gère pas bien mais à vrai dire, je suis à bout, j’ai tout essayé. Surtout avec l’écolage de Cynthia qui n’était pas du tout facile à payer, huum …J’espère juste que je ne vais pas craquer. Je lève les yeux et ces derniers tombent direct sur cet homme, ouch !

 

-Moi (à mon mari) : chéri, tu vois l’homme qui arrive ?

 

-Lui : en basin bleu ?

 

-Moi : exact, C’est mon plus gros client. Dès qu’il vient ici, c’est que tout ira bien.

 

-Lui : ah oui ! d’ailleurs il sent la richesse de loin

 

-Moi : je t’assure

 

Le client en question, joli visage et joli sourire, marche jusqu’à ma devanture. Je me lève en voulant l’accueillir mais c’est lui qui place les premiers mots.

 

-M.Julien : bonjour Da-féli, vous êtes ravissante.

 

Avant que je ne réponde, mon mari se lève et tend la main à mon client.

 

-Papa Cynthia : bonjour monsieur, je suis son mari.

 

-M.Julien : ah ! ravi de vous connaitre. Vous avez une jolie femme

 

-papa Cynthia : merci.

 

Après avoir fait les comptes à M.Julien, il me fait savoir qu’il aurait besoin de mon aide.

 

-Moi : oui que puis-je ?

 

-M.Julien : je cherche juste quelqu’un qui pourra sécuriser ma maison les nuits.

 

-Moi : genre un gardien ?

 

-M.Julien : oui et il sera très bien payé. Comme je ne connais pas assez de monde, je m’étais dit que vous pourriez m’aider à vite trouver quelqu’un.

 

-Moi : vous n’avez pas tort, je pourrais vous trouver quelqu’un. Laissez-moi un ou deux jours, Je vous rappellerai juste après.

 

-M.Julien : merci beaucoup. Je savais que je pouvais compter sur vous

 

Il partit aussitôt en saluant avec sourire mon mari.

 

-Papa Cynthia : j’espère que cette personne que tu vas trouver, c’est moi

 

-Moi : le mariage, ce n’est pas seulement l’union de deux personnes mais c’est aussi l’union de deux différentes pensées.

 

-Papa Cynthia : je n’ai rien compris.

 

-Moi : retiens juste que tu as pensé comme moi. Je veux que tu prennes cet emploi, cela sera un grand atout pour nous

 

-Papa Cynthia : pas la peine de me convaincre puisque c’est déjà décidé.

 

-Moi : merci

 

-Papa Cynthia : j’ai failli en tant que père, tu faisais tout, tu jouais à tout. Si…

 

-Moi : arrête ça !

 

-Papa Cynthia : non, dans une autre vie, ma femme m’aurait déjà quitté parce que cela fait plusieurs années que je ne sers plus à rien dans vos vies, même pour manger, c’est toi qui assures.

 

-Moi : quand tu en avais, tu assurais. Pourquoi ne pas assurer quand tu n’en as plus ? Je suis ta femme, pas ton enfant. Si tu veilles sur moi, c’est que je dois aussi veiller sur toi mon mari.

 

-Papa Cynthia : tes paroles me rassurent, tu es une bonne femme et rien ne me prouvera le contraire.

 

Un mari, c’est un mari. Il n’y a plus assez d’hommes dans le pays, Papa Cynthia est mien, c’est pour cela que je le tiens fermement. Cette mauvaise étape passera, je le sais. Il deviendra le papa qu’il a toujours été. Le peu qu’il faisait, il va recommencer, on verra ce que cela donnera.

 

-Moi : tu es un bel homme aussi et rien ne le changera.

 

Il sourit à ma réponse, on se comprend trop cet homme et moi. En toute chose, c’est la base qui est importante, donnez ce qu’il faut à la famille, détendez-vous avec la famille, montrez aux membres de votre famille que vous pouvez compter les uns sur les autres, c’est ainsi qu’une famille se forme et arrivé à ce genre de moments, tout le monde est tranquille et se dit que ça va passer. Avec Papa Cynthia à côté, je me sens toujours rassuré.

 

-Moi : et si on appelait M. Julien pour lui dire cela ?

 

-Papa Cynthia : serait-il déjà rentré ?

 

-Moi : non, non, il serait surement chez un vendeur. D’habitude, il ne part pas vite.

 

-Papa Cynthia : bah et pourquoi ne lui as-tu pas dit en même temps que je pourrais prendre le post

 

-Moi : tout le monde a besoin de se décider de lui-même. Je ne pouvais pas me lever et lui dire tout court que mon mari en a besoin. Il fallait d’abord que je discute avec toi.

 

-Papa Cynthia : épouse exemplaire, d’accord. Appelle-le alors.

 

Et c’est ce que je fis, heureusement pour nous, il était toujours dans les parages. Il revint aussitôt.

 

-M. Julien : apparemment, vous aviez trouvé une personne.

 

-Moi : c’est exact

 

-M. Julien : j’espère que c’est une personne de confiance.

 

-Moi : ne vous inquiétez pas pour cela. Ce n’est personne d’autre que mon mari.

 

-M. Julien (en se retournant) : oh monsieur…

 

-Papa Cynthia : oh appelez-moi Diallo tout court.

 

-M. Julien : d’accord mons... ah ! Diallo. Un nom sénégalais, on dirait.

 

-Papa Cynthia : oui nous ne sommes pas sénégalais. C’est juste un de mes amis qui m’a surnommé ainsi.

 

Entre hommes, ils sont rentrés dans les détails, je les suivais sans rien dire. Intérieurement je disais merci à Dieu, il s’est souvenu de ma famille. Toute chose a un commencement dit-on, j’espère que ce commencement ne sera plus débordé de chagrin et de tristesse pour nous.

 

Ils ont tout conclu, mon mari devrait aller connaitre la maison à surveiller demain et le travail commencera juste le lendemain. Papa Cynthia accompagne M. Julien à la voiture et revient vers moi. Je me lève et je saute dans ses bras avec un de ces sourires là. Les gens vont surement se demander le pourquoi nous sommes si contents ? Eh bah, quelqu’un comprendra qu’il faut toujours débuter quelque part et ne pas négliger les faibles commencements.

 

-Papa Cynthia : le premier jour où je décide de venir au marché, j’obtiens aussitôt un boulot. Aussi petit que cela soit, Au moins j’aurai la paix du cœur.

 

-Moi : que des bénédictions dans le marché ci. Six Diablo ans sans emploi, se cherchant par ci par là…

 

-Papa Cynthia : mon nom a été changé…

 

   DIALLO (Papa Cynthia)

 

Quoi de meilleur de recommencer par travailler après toutes ces années. Même si ce n’est pas grande chose, je sais que je vais me plaire là-dedans.

 

Comme dit, je suis allé connaitre chez M. Julien. De toute ma vie, je n’ai jamais vu une maison aussi grande, jolie et splendide. M. Julien ne vit qu’avec son fils de 23 ans qui est déjà directeur dans l’une des entreprises de son père. Je n’ai pas vu de femme dans la maison et je n’ai pas non plus posé de questions. Tout ceci est encore nouveau pour moi. Le fils de M. Julien s’appelle Stéphane et je l’ai trouvé beaucoup respectueux. Dans son rire, il m’a dit qu’il allait me prendre comme un deuxième père. J’étais tellement ravi de le rencontrer. Enfant de riche et directeur mais tellement humble. Ces gens sont rares ces temps-ci. Si seulement Cynthia pourrait trouver un emploi chez eux, en tout cas on verra bien.

 

-Da-féli : je me demande à quoi tu penses

 

Je sursaute un peu étant donné que j’étais dans mes pensées et que je ne l’ai pas vu arriver.

 

-Moi : bah, à mon nouvel emploi. Bon (en me levant) Si tu veux, je pourrais t’accompagner au marché. Je pourrais faire une demi-journée avec toi.

 

-Da-féli : ah non, non. Tu auras une dure nuit ce soir. Ce sera ta première fois de veiller sur les gens alors restes à la maison, manges et reposes toi suffisamment. Je serai sûrement de retour avant ton départ.

 

-Moi : d’accord maman.

 

-Da-féli : je suis ta femme.

 

-Moi : c’est la même chose.

 

-Da-féli : rires… bonne journée.

 

Elle partit aussitôt. Je vois notre fille sortir de sa chambre, nous sommes dans une deux-chambres-salon donc en étant au salon, on s’aperçoit de qui sort et qui rentre. Elle me salut et je demande à lui parler. Elle s’assoit aussi nonchalamment que possible.

 

-Moi : depuis quelques jours je ne te reconnais plus.

 

-Cynthia : je suis pourtant la même.

 

-Moi : je parle de ton comportement. Si cela a un rapport avec l’histoire du marché alors tu peux oublier. Si tu veux rester un an dans cette maison sans rien faire, il n’y a aucun problème.

 

-Cynthia : papa, depuis mes 16 ans, maman a tout fait seul ici. Tu as passé six Diablo sans emploi mais maman ne t’a jamais forcé à faire quoi que ce soit.

 

-Moi : et aujourd’hui je le regrette, c’est pour cela on te montre ensemble ce qui est bon pour toi mais comme tu ne veux pas, on ne va pas te forcer, fais comme si on n’a rien dit.

 

Elle me regarde sans mot dire

 

-Moi : vas-y, tu peux disposer.

 

-Cynthia : d’accord.

 

Elle voulait partir quand je me suis souvenue d’un détail.

 

-Moi : ah ! j’allais oublier. J’ai maintenant un emploi.

 

-Cynthia : waouh, félicitations. J’en suis énormément ravie.

 

-Moi : merci. Je travaille en tant que gardien et je commence à partir de ce soir

 

-Cynthia (dégoûtée) : gardien ?? Papa tu n’as pas trouvé mieux ?

 

-Moi : non et je ne trouverai plus mieux à cause de mon âge. C’est à toi de laver ma honte mais comme tu refuses de le faire, je le ferai moi-même.

 

Elle partit en remuant la tête sans me répondre.

 

 

 

   CYNTHIA

 

Travail de nuit, travail de gardiennage, quitter la famille le soir, revenir le lendemain, veiller sur les gens quand eux même ils dorment, passer volontairement des nuits blanches, c’est tout ce que mon père a trouvé. Quand les gens et leurs parents sont milliardaires, c’est maintenant que mon père veut commencer à zéro. Ok d’accord.

 

Etant donné qu’Elvire et moi, on se dit tout, je l’envoie un message.

 

-Moi : « mon père a trouvé un travail de gardiennage quelque part »

 

Elvire est la personne qui me réponds le plus vite possible dans mes contacts. C’est juste une affaire de secondes…

 

-Elvire : « waouh, juste en lisant ton message, j’ai eu les larmes aux yeux. Félicitations à lui. On a beaucoup espéré ».

 

Voilà ce que je disais. Avec Elvire, le peu est toujours suffisant. Pour elle, cet emploi serait même trop bon pour mon père.

 

-Moi : « merci ».

 

Je n’avais plus grande chose à lui dire plutôt je ne savais plus quoi lui dire. On a parlé de tout et de rien jusqu’à ce qu’elle ne me dise qu’elle compte faire une formation en secrétariat, qu’elle ne voulait pas rester les bras croisés.

 

-Moi : « pourtant tu vends déjà n’est-ce pas » ?

 

-Elvire : « assez de viandes ne gâtent pas la sauce chérie. Si je sais faire beaucoup de choses, ça m’aiderait énormément »

 

-Moi : « je vois. Courage ».

 

Elle sait très bien que dès que je dis « je vois » c’est que je ne vois rien, je ne comprends rien et que je ne vais même pas essayer de le faire.

 

-Elvire : « en tout cas, tu peux faire pareil »

 

-Moi : « ah Vivi ! pardon ! ne m’encombre pas. Ma licence est là »

 

-Elvire : « d’accord madame licence ».

 

Je souris quand même. Depuis longtemps Elvire a toujours été ma conseillère mais ces temps-ci, c’est pas trop ça. Je ne sais pas qui est le problème parmi nous deux. Bon, sinon ce n’est rien. Je sais que cette petite tension va encore baisser entre nous. Dès que l’amour y est, c’est bien. On ne va pas toujours être conseiller par d’autres personnes, il faut aussi prendre les décisions soi-même ; elle en a assez pris pour moi. Je le répète toujours la vie est un choix et ce choix doit être personnel.

 

Fin de la discussion avec Elvire, je me mets à cogiter tout seul dans ma chambre quand mon portable sonna, j’y jette un coup et je souris largement.

 

-Moi : allô monsieur

 

-lui : j’espère que vous allez bien. Rendez-vous chez au bureau de l’établissement dans une heure si vous êtes libre.

 

-Moi : bien noté monsieur. J’y serai.

 

Moi passé une, deux ou trois semaines à cause du chômage ? non c’est faux. Après tout je suis la première de la promotion. Vous l’avez sûrement deviné, oui c’est mon directeur qui m’a appelé. J’espère que les quelques minutes là vont vite passer pour que je puisse vite rentrer en possession de mon nouvel emploi.

 

En partant, je laisse un message à Elvire l’informant que le directeur m’avait appelé, elle me répondit instantanément.

 

-Elvire : vas-y chérie, je veux que de bonnes nouvelles à ton retour.

 

 

 

Dans le Bureau du directeur Christophe…

 

Je rentre dans le bureau du directeur quand je constate qu’il est plutôt au téléphone. Je me mets debout en regardant de gauche à droite, il me fait alors signe de m’asseoir.

 

Sur ma chaise, je pense à ces quelques jours que j’ai passé à la maison. Je me disais que si ça devrait continuer comme cela, je serais surement morte d’ennuis parce que rester à la maison sans rien faire n’est vraiment pas mon truc. La dernière phrase de mon directeur avec son interlocuteur me fait revenir sur terre.

 

-Christophe : j’ai dit que je ferai mon possible, je vais en discuter avec la jeune fille. Je te referai signe.

 

Et il coupa, j’ai juste remarqué que son visage venait de changer. Je ne peux même pas demander le pourquoi, ce ne sont pas mes affaires.

 

Après les salutations d’usage, il commença

 

-Christophe : je t’avais dit que je t’appellerai. Je cherchais un travail pour toi depuis là mais à vrai dire, je ne trouvais pas grande chose. Tu sais que dans la vie il faut des sacrifices dans toutes choses. Plus rien n’est gratuit. Il y a un ami qui aimerait t’embaucher dans son entreprise mais avec beaucoup de conditions. Ce n’est rien, aujourd’hui c’est comme cela avec la jeunesse. Il faut toujours faire avec.

 

Je me demande le pourquoi il parle sans rien dire. Moi je suis là pour écouter une bonne nouvelle, pas les blablablas.

 

-Moi : quel genre de conditions ?

 

Et il commença par dire des choses que je ne comprenais pas ou plutôt que mon cerveau refusait de comprendre. C’est quoi cette perversité ? Ce directeur a toujours été comme cela ou c’est du nouveau ?

 

-Moi : je me demande si c’est toujours par ses moyens que vous cherchez du travail pour vos étudiants

 

-Christophe : tu n’es pas là pour poser des questions. Soit tu acceptes ou soit tu refuses, je ne te force pas.

 

Je le vois ouvrir son tiroir et en sort des liasses de billets, plusieurs…

 

-Christophe : 500.000fcfa, c’est juste pour un début. Ce sera comme cela chaque semaine.

 

Je regarde l’argent, mes pensées s’envolent vers mes parents ensuite vers Elvire. Que ferait-elle à ma place ? 500.000F ? C’est peu pour certaines personnes mais moi je n’ai jamais touché à une somme pareille et gagner cela chaque semaine ? Je pense à maman qui sera très fière de me voir gagner cette somme chaque semaine mais je pense aussi à l’inverse quand elle va me demander où je travaille, que dirai-je ?

 

-Christophe : je te donne deux jours pour réfléchir.

 

Je me sens juste paralysée, je ne bougeais pas, je ne parlais pas non plus…

A SUIVRE


Ecrit par Esther AMETONOU

 

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